Voilà
4 jours que je suis à Perth et je n'ai pas eu une journée de répit.
Ah si, peut-être dimanche, jour du seigneur.
La
dernière fois que je suis allée chez le coiffeur c'était à Sydney
en mars. Après ça, impossible de trouver un putain de coiffeur à
moins de 50$ et j'ai pas envie de dépenser autant de thunes pour
trois coups de ciseaux. Donc, premier jour à Perth, à la recherche
d'un coiffeur pas cher. Je trouve tout de suite. J'entre ; deux
coiffeurs, un client. Celui qui ne fait rien a l'air bizarre, je lui
expose la situation à l'aide d'une photo, mais il a l'air de bloquer
sévère. Même son collègue le trouve étrange et essaye de l'aider
:
-
Et ben qu'est-ce qu'il y a ?
-
Je sais pas si je vais y arriver.
Voilà
qui est rassurant. Son collègue l'encourage :
-
Voyons la photo, oui ben si c'est facile, c'est comment à l'arrière,
on voit pas ?
Et
là, il fait genre de tourner la photo ; j'hallucine.
J'interviens dans la conversation :
-
Oui ben je sais pas comment c'est derrière, c'est court comme devant
quoi.
-
Ah ben oui, bon ben je peux essayer, on verra bien.
Devant
une pareille conclusion, je trouve une porte de sortie :
-
J'ai pas de cash sur moi, je vais chercher un distributeur.
Je
ne suis jamais revenue. Faut pas déconner oh.
La
vieille dame de l'office du tourisme dans la rue m'indique un autre
coiffeur pas cher après s'être proposée.
Deuxième
coiffeur pas cher, sur la devanture il y a marqué « Ali Baba »
et je vois « professionals », me voilà rassurée. Une
femme refait une mini-crête à un gars, deux clientes attendent,
puis moi. Elle appelle donc du renfort. Un type arrive, peut-être le
patron, je lui montre la photo, il a l'air vachement plus assuré, et
en avant. Pas de shampoing, pas besoin, il a un vaporisateur. J'avais
jamais vu ça, j'ai l'impression d'être une plante. Le type, en 15
min chrono avec interruption de 5 min pour faire payer le punk, il a
fait son boulot, incroyable.
Le
lendemain matin, me voilà à attendre que la bibliothèque ouvre
(internet gratuit!). Un type chelou m'interpelle. J'hésite à
l'ignorer (il a vraiment l'air chelou), mais je m'inquiète de mon
karma en ce moment alors je lui réponds.
-
Tu t'appelles comment ? Tu viens d'où ?
-
De France.
-
Moi c'est Daniel, je suis canadien. Je t'observe depuis un moment tu
sais.
C'est
quoi ce délire ? Il continue :
-
J'aime beaucoup ta coupe de cheveux.
Salaud
d'Ali Baba ! Il continue :
-
Pretty tomboy. J'aime les filles aux cheveux courts.
J'aurais
dû répondre « moi aussi ». Il continue :
-
De toute façon, personne n'aime les filles aux cheveux longs.
J'aurais
dû répondre « moi si ». Il continue :
-
T'as quel âge ? Moi je suis de 73.
Je
le coupe :
-
Oh désolée, la bibliothèque ouvre, faut que j'y aille !
-
D'accord, à tout à l'heure alors, on se voit à l'intérieur !
Je
ne l'ai pas revu, mes techniques de camouflage en milieu hostile sont
toujours au point.
Jour
du seigneur, je change d'auberge de jeunesse et découvre mon nouveau
dortoir mixte de 6 sans fenêtre avec un bordel sans nom par terre.
Perth,
4ème jour. Après une journée à écumer les librairies de
Fremantle (4 bouquins, 4!), je passe à la bibliothèque profiter du
net gratos. Un gars plus que chelou et qui pue comme c'est pas permis
vient occuper l'ordi à côté du mien. Je tente de communiquer avec
mon père et ce gars tente de communiquer avec moi. Mais qu'ai-je
fait au bon Dieu ?!
-
Tu veux voir une video trop cool ?
-
Non ça va merci.
-
Tu viens d'où ?
-
Je suis française.
-
Ah c'est pour ça. Vous les européens vous êtes trop malpolis, vous
vous sentez supérieurs à nous, ça doit être votre éducation.
-
Euh, désolée.
Il
s'arrête, je me crois sauvée. Je me trompe.
-
Non mais les pires c'est les suisses. Ils contrôlent tout les
suisses, le monde entier. Et ils ont des bunkers rempli de nourriture
et tout ce qu'il faut. Les suisses ils ont rasé Perth. Ma ville, que
mes parents et mes grands-parents ont construite. Et ensuite, les
suisses ils ont tout reconstruit mais en moins bien. Je hais les
suisses. Il faudrait les atomiser. Parce que eux ils vont détruire
le monde.
Pendant
ce monologue passionnant, je me contente de quelques « ah ».
Je suis quand même en train de discuter avec mon père bordel !
Et lui il me parasite. Puis d'un coup, il s'énerve
-
Non mais de toute façon, je sais même pas pourquoi je perds mon
temps à discuter avec des abrutis.
Et
il se casse. Je respire enfin, il puait sévère.
Il
me reste encore 6 jours à Perth, j'ai peur... Je vais songer à
éviter la bibliothèque peut-être.
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