La boucle est bouclée

samedi 24 novembre 2012

Tout est si beau à Panama



L'arrivée du pilot est prévue pour 01h00 le vendredi 19. Mais ça change à peu près toutes les 5min. Le 2nd Mate m'appellera donc lorsqu'on commencera à avancer. J'essaye de dormir, j'ai du mal, je m'endors après 23h30 et me réveille avant 1h, j'entends des bruits dans le couloir. Je suis au radar grave, j'entends des gens parler, des bruits de pas, c'est quoi ce bordel. Je sors une fois le silence revenu, ça devait être les douanes ou le pilot ou l'agent ou que sais-je encore. Je vais dans la salle des passagers, il fait nuit noire, mais il y a plein de lumière partout, après 15 jours de traversée de l'océan Pacifique, ça change ! Beaucoup de bateaux et surtout une ville, Balboa, et ses skyscrapers sur la droite. Mais le cargo ne bouge pas. Je retourne dans ma cabine, je tourne en rond, je lis, je retourne dans la salle des passagers, en plus il y fait frais... 2h20, j'entends mon téléphone sonner, je me précipite, le 2nd Mate m'informe de notre entrée dans le Canal du Panama. Je le remercie et monte à toute bringue.

Début du canal de Panama
Cette fois c'est plus facile et rapide de se repérer dans le Bridge avec le nombre de lumières extérieures. Le pilot est dans le fauteuil haut, le capitaine est devant ses écrans (pour l'occasion il porte sa belle chemise blanche pour faire vrai capitaine), le 2nd Mate circule et il y a un marin au volant. L'autre passager est là également, sur le canapé.
En général, le pilot n'est là que pour conseiller le Master qui prend les décisions. Pas ici. Le Canal du Panama est le seul endroit où le pilot est responsable de tout, devant le Capitaine.
Devant nous, un couloir de lumières rouges et vertes, il suffit de passer au milieu. Le pilot gère la manœuvre en donnant des ordres au marin « starboard 5, midship, steady, course 320 , portside 10...». Le marin exécute répétant inlassablement tous les ordres donnés. On avance doucement mais sûrement, il y a d'autres bateaux dans le couloir, des plus petits, certains arrivant en sens inverse. Au bout de ce couloir interminable, la première écluse. On passe sous le Bridge of America, reliant l'Amérique Centrale à l'Amérique du Sud. On croise le D'Artagnan qui fout les jetons, j'aurais pas aimé voyager là-dessus. Il se fait ravitailler en fuel, en pleine mer, c'est marrant.
Un bateau nous aborde, le 2ème pilot ainsi que le Channel Crew montent à bord. Le 2ème pilot part se reposer, l'équipage du Canal s'occupera de toutes les opérations pendant les premières écluses.

Premières écluses
Nous sommes devant les Miraflores Locks avant 4h (c'est bizarrement passé assez vite). Devant nous un bateau est déjà dans l'écluse de droite, c'est pourtant par là que nous nous dirigeons. Le channel crew (19 gars) nous attache à 3 locomotives (2 cordes par locomotives) sur la gauche d'abord puis sur la droite, les locos vont nous tirer dans l'écluse pour faciliter les opérations et nous maintenir dans l'axe. Parce que là ça devient intense niveau manœuvres, les écluses font 33m de large, les Panamax, dont fait partie le Matisse, font 30m de large, la marge d'erreur n'est pas bien grande (1m50 de chaque côté, faut pas se louper). De nouvelles écluses de 40 m de large sont en construction, ils espèrent terminer les travaux pour les 100 ans du Canal en 2013.

Bientôt 100 ans
4h, on est à l'arrêt devant les portes fermées de l'écluse, le Chief Officer qui vient de relayer le 2nd mate allume les lumières du Bridge, nous allons devoir patienter avant que les portes ne s'ouvrent. J'en profite pour rentrer chez moi et me faire une pause thé/cookies, ça fait du bien.
4h10, on bouge, on avance vaille que vaille, sous la pluie. Les premières portes s'ouvrent, on entre dans le bassin, à terre ça s'affaire. Une fois parvenus au milieu du bassin, nous sommes amarrés et on attend que l'eau monte. Depuis que nous sommes entrés, l'eau du bassin suivant se déverse dans celui-ci, maintenant que les portes sont fermées, ça va un peu plus vite je pense. Mais on ne sent rien et je ne vois rien.



Les deux bassins sont maintenant à niveau, les portes devant nous s'ouvrent. À côté, on peut suivre toutes les opérations sur un bateau qui vient d'arriver, c'est chouette. On passe dans le deuxième bassin, même histoire, on attend que l'eau monte, les portes s'ouvrent et nous voilà sortis du Miraflowers Locks à 5h15. Nous somme montés de 16m. Le Capitaine et le pilot sont dehors, penchés par dessus la balustrade côté portside pour suivre le mouvement et donner les ordres au marin au volant. Un tugboat nous emmène jusqu'à la prochaine écluse, c'est pas bien loin. À 5h35, on arrive près des petits trains. Le capitaine et le pilot restent dehors, ils communiquent par talkie walkie avec l'officier de quart et le marin au volant. Il pleut vraiment beaucoup mais il ne fait pas froid du tout, la joie des tropiques j'imagine. Ça me convient pour quelques jours mais je préfère l'air frais.

sortie d'écluse
Même histoire mais cette fois, je descends au deck B pour essayer de voir la profondeur du bassin. Ce qui est marrant c'est qu'au début, je suis plus bas que le niveau de la terre et à la fin de la manœuvre, je suis bien au-dessus. À 6h05 les portes s'ouvrent, on sort du Pedro Miguel Lock. Cette fois-ci, il n'y avait qu'un seul bassin et nous sommes montés de seulement 9,5m. Le soleil se lève, mais on ne voit rien, trop de nuages, bienvenue à Panama. La carte du Canal ressemble pas mal à du gruyère quand même : des îles un peu partout, de la flotte, et au milieu un petit passage.



6h30, le 1er pilot et le Channel Crew s'en vont, le 2ème pilot est déjà à son poste. Nous voilà dans une sorte de rivière, des collines vertes tout autour, c'est beau, mais il fait gris et c'est pas folichon, et c'est l'heure du petit-dèj ! Je remonte ensuite chez moi, je prends quelques photos depuis le Deck E, toujours cette espèce de rivière. Lorsque je remonte au Bridge à 8h30, tout a changé : il ne pleut plus, il fait un peu soleil et je me retrouve dans le gruyère de la carte : plein de petits îlots de verdure partout, c'est beau. Joey est au volant, lunettes de soleil en place, il répète tous les ordres du pilot limite en hurlant avec son accent trop drôle, c'est tordant.

Panama, le matin
9h, on arrive pas loin du Gatun Locks, la dernière série d'écluses. Un immense bateau de passagers est en train de passer, il bouche la vue. Il y a plein de bateaux partout qui attendent dans tous les sens. On en a évité un en plein milieu du passage (toujours les lumières rouges et vertes), et on fait pareil, on tourne sur nous même et on stoppe face à notre suiveur, limite au milieu. On jette l'ancre, on patiente également. Le pilot quitte le navire, le prochain arrive à 14h45. C'est l'heure de se reposer m'annonce le Capitaine qui a quitté sa belle chemise blanche depuis la sortie du Pedro Miguel Lock En fait, si je m'en tiens à la carte on est bientôt arrivés, faut juste patienter quoi.

Lac Gatun, on attend...
J'essaye de dormir mais c'est peine perdue, je lis, j'écris, je regarde des films.
15h, je monte au Bridge, il y a juste le 2nd Mate qui ne sait rien de plus, on essaye d'apercevoir des crocodiles mais rien. Un orage éclate pas loin, je retourne dans ma chambre et évite de justesse de m'endormir devant Futurama.
16h30, il y a du mouvement, je remonte. Le Channel Crew est déjà en poste au bow. Au Bridge, il y a le Capitaine qui a remis sa chemise blanche, le Chief Officer, un marin, et deux pilots pour le prix d'un (d'ailleurs coût du passage : entre 250 000 et 300 000€ !). On met un peu de temps à se bouger et enfin le tugboat arrive ! En route pour le dernier morceau avant l'Atlantique !

Gatun Locks
Nous avons donc trois écluses d'affilée devant nous et cette fois on descend. Tout se passe bien, un pilot sur chaque aile du Bridge pour surveiller le déroulement des opérations. Les écluses ont l'air vachement profondes, mais c'est peut-être parce qu'on descend, on a une meilleure perception. Donc cette fois-ci, au lieu d'attendre que l'eau monte, on attend qu'elle descende. Je suis verte, parce qu'à côté le bateau est parti bien après nous et il a terminé avant nous, c'est trop injuste. Belle lumière de fin d'aprèm, en plus il fait plutôt bon, pas trop lourd. On quitte définitivement Gatun Locks à 18h45, adieu le Pacifique, adieu le canal du Panama. On est arrivé de nuit, on part de nuit, logique.

sacrée baisse de niveau
Nous allons maintenant vers Manzanillo mais là je jette l'éponge, je n'en peux plus. J'ai passé beaucoup de temps dehors à respirer les fumées toxiques de tous ces bateaux brûlants du carburant bon marché et à éviter de me faire piquer par des insectes tropicaux, je veux dormir. La plupart des travailleurs de la salle des machines ont passé tout le passage du Canal enfermés en bas à veiller au bon fonctionnement de la bête, c'est également l'heure du repos pour eux. Ceux qui n'ont pas travaillé la nuit dernière doivent rester éveillé cette nuit pour les opérations de chargement/déchargement à Manzanillo...

sortie de Gatun Locks

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