La boucle est bouclée

jeudi 29 septembre 2011

Les escales


C'est bizarre. Tout d'abord l'arrivée au port peut durer longtemps. Le cargo attend d'abord à quelques miles du port avant de recevoir des ordres. Puis, le pilot monte à bord (dans tous les ports, un pilot monte à bord), le cargo entre lentement au port, attend encore avant de pouvoir "se garer". Une fois amarré, les opérations de déchargement démarrent, les types de l'immigration ou des douanes ou je ne sais quoi montent à bord et s'entretiennent avec le Capitaine dans le ship's office. Vérification de tous les papiers, ça peut durer longtemps. Ensuite, appel dans les cabines si nous pouvons descendre.
Pour Shanghaï, nous avons jeté l'ancre le 11/09, avant 7h30, le cargo s'est remis en route à 4h du matin, et il s'est garé à 10h30. Nous avons pu sortir à 13h, le 12/09.

Escale à Shanghaï :
Là commence les 2h30 les plus incompréhensibles de ma vie.
Dans le ship's office, le Capitaine nous tend nos passeports avec nos fiches de "seaman", pour éviter les problèmes avec l'immigration dû à nos visas simple entrée en Chine, trop cloolsse ! Le Capitaine a remis ses habits civils et porte un sac-à-dos, il semblerait qu'il descende lui aussi. Il nous explique plus ou moins comment aller à Shanghaï, mais on sent bien qu'il en a un peu rien à foutre. "Soyez là à 2100 (twenty-one hundred). Vous pouvez prendre un taxi, mais aucun taxi ne saura vous ramener au port, je vous donne la carte de visite avec l'adresse quand même, mais ça servira pas à grand chose. Il y a une station de métro aussi, mais personne ne sait où elle est. Enfin, moi je sais. Bon là, faut prendre un bus, sinon vous allez vous perdre, salut." C'est clair, hein ?
Le Capitaine se barre, on décide de le suivre de loin. Déjà, devant le bateau, je suis perdue, c'est juste immense. On voit le Capitaine grimper dans un bus, il nous fait signe de le rejoindre. Le bus nous amène à la sortie du port. Là, des agents vérifient nos cartes de seaman, et nous passons un tourniquet. Puis, une nouvelle fois, c'est n'importe quoi.
Un chinois essayait de nous alpaguer depuis la sortie du bus derrière le tourniquet, maintenant, il veut nous amener dans sa voiture où on veut. Le Capitaine nous fait signe de le suivre, nous suivons le Capitaine. Qui est entouré de deux jeunes filles. Probablement des prostituées. Il hésite entre deux voitures, je comprends pas tout, puis finalement il nous dit de monter dans la voiture du gars. Bon. À plus tard Capitaine, amusez-vous bien.
Dans la voiture du chinois, Volkswagen, il parle anglais avec un accent terrible, une fois de plus, on ne comprend pas tout. Il nous demande où on veut aller. Le centre de Shanghaï étant apparement trop loin, nous restons dans la banlieue autour du port. Premier arrêt, grand supermarché pour acheter du chocolat. Le gars nous mène droit sur le bon rayon. Je fais quelques provisions, je me sens mieux.
  • Un paquet de cookies contenant 27 mini-cookies.
  • Un paquet de gâteaux croustillants : 16 pièces.
  • Un paquet géant genre Maltesers.
  • Une petite boîte de m&m's. Faut pas abandonner ses classiques.
Il me reste 3 cookies et 3 oreos, je pense que je peux tenir toute la traversée maintenant.
Le chinois demande si on a besoin d'autre chose, Geoff veut un coupe-ongles. On va à la caisse, le chinois paye, nous remontons en voiture, et nous sommes coincés dans le parking. C'est pas grave, il va déplacer un scooter, et ça repart.

Shanghaï
La circulation est aussi dangereuse qu'à Pékin, ça klaxonne tout le temps, les vélos, les scooters électriques, les piétons, les voitures... mais il y a quand même beaucoup moins de monde, voire même personne. Ce ne sont que des 2x2 voies, parfois avec une voie de côté pour les deux-roues.
Dans une petite rue, un van est stationné, ben dans la rue justement. Après multiples klaxonnements, un gars sort d'un bar et déplace le van plus loin. On avance, mais un chien est couché au milieu de la route et ne veut pas se bouger, ben on prie pour qu'il ne bouge pas pendant qu'on roule au-dessus de lui. Je me retourne, le chien est vivant et il est allé se coucher autre part. On s'arrête, nous suivons le chauffeur dans un magasin, et il trouve un kit de manucure avec coupe-ongles et tout ce qu'il faut. J'y crois pas.
Maintenant, on fait quoi ? Ben on sait pas. Le chauffeur nous aide : "Massage ? Manger ? Bières ? Filles ?" Non merci, ça va aller. On a quelques demandes nous aussi "Musées ? Parcs ?" le chauffeur semble ne pas comprendre. Bon, va pour une bière. Il nous embarque dans un bar très comme il faut, nous avons une petite salle avec télé et air conditionné. "no girls, just beers". Il y a du thé aussi. Et une foultitude de petites choses à grignoter arrivent avec nos boissons. Geoff et moi commençons à nous inquiéter du prix de toute l'affaire.


Nous discutons tous les trois de nos pays respectifs, c'est un peu complexe, mais notre chauffeur est enjoué et se marre en permanence. C'est un jour férié aujourd'hui et il faut manger je ne sais quel gâteau qu'il s'empresse d'aller nous acheter dans la rue. Je raconte mon expérience de gâteau aux haricots rouge à Geoff et lui déconseille fortement d'en manger. Le chauffeur revient avec 4 gâteaux. Le mien est à l'oeuf ? Celui de Geoff, je ne sais plus, et les 2 autres, mystère... D'après le chinois, il en existe au porc ; formidable. Nous les mangerons plus tard, sur le bateau. Histoire de pouvoir les recracher en paix si nécessaire. Et, à ce propos, j'avais presque oublié à quel point les chinois crachaient tout le temps, partout, et de manière si bruyante...
On fait quoi maintenant ? Une petite marche. En gros, on fait le tour du quartier à pied, on trouve la station de métro, on voit beaucoup de containers, on doit être proche du port, et une fois rendus à la voiture, nous décidons de rentrer au cargo parce qu'on ne sait vraiment pas quoi faire d'autre et que ça risque de nous compter bonbon cette histoire. Effectivement, 150 $, charmant. Pour à peu près 2h30.
Nous montrons nos cartes de "seaman" pour pouvoir passer le tourniquet, et nous attendons le bus. Nous hésitons à nous lancer à pied à la recherche du "Hanjin Mundra", mais comme il semblerait que nous ayons un sens de l'orientation similaire, nous préférons la sécurité du bus. Qui arrive une minute après (Geoff n'a pas le temps de finir sa cigarette). Nous montons et le bus s'arrête deux mètres plus loin, devant le tourniquet. Il livre le déjeuner. J'hallucine. Demi-tour, nous repartons, je ne sais où, deux types montent avec 4 talkie-walkies. Nous continuons notre route à travers les containers, puis un des deux types nous demande si c'est notre bateau là, j'aperçois le Hanjin Mundra plus loin, nous sommes sauvés ! Nous descendons.
C'est vraiment massif les cargos. Surtout quand ils sont à quai et que l'on observe ces pinces géantes attraper les containers comme si de rien et les poser sur les camions dans un bruit assourdissant. Et nous, on est juste en-dessous, tels de vulgaires fourmis. Je m'aperçois que la partie "habitable" du bateau est minuscule comparée au reste du navire. Il y a des containers partout sur le bateau, même aussi dans le bateau, dans des espèces de fosses.
L'épreuve de la passerelle qui bouge avec deux containers qui passent au-dessus de nos têtes est absolument terrifiante.
On rentre, on rend nos passeports et nos cartes de seaman au Chief Officer, sinon coup de fil en plein milieu de la nuit avant le départ pour récupérer nos papiers.
Pour accéder aux escaliers, pendant les arrêts aux ports (aréoport de Nice, ah ah, je me fais rire toute seule), il faut taper un code sécurisé que nous n'avons pas, donc c'est un membre de l'équipage qui nous ouvre la porte.

Ningbo, le 13/09 : les abords de Ningbo, Chine, avant d'entrer au port (pendant plus de deux heures), c'est juste magnifique. Un petit bateau accoste notre cargo, le pilot monte à bord, il est alors interdit de monter au Bridge.
Des montagnes vertes à perte de vue, et des bateaux partout. Parfois, on voit quelques maisons perdues dans la montagne, mais on ne voit aucune route, étrange... Livraison par hélicoptère ?

Avant Ningbo
Arrivée au port de Ningbo, toujours ces mêmes montagnes vertes, je sors. Un bateau accoste le cargo à l'arrière, je ne sais pas pourquoi. Je préfère rentrer et ouvrir mon hublot pour pouvoir prendre des photos ; je crois qu'il est interdit d'être dehors pendant les manoeuvres du cargo au port. Nous nous garons, le chargement/déchargement va commencer. C'est une courte escale, moins de 10h, nous ne pouvons pas descendre.
Nous repartons à 21h30. En regardant par la fenêtre, j'ai l'impression qu'il manque une grande partie de l'arrière du bateau. Est-ce possible ? Peut-on vraiment couper un cargo en court de route ? Cela ne va-t-il pas affecter l'équilibre du navire ? Je suis perplexe, voire plus. J'y verrai sans doute plus clair demain.
(En fait ce n'était qu'une illusion d'optique, le cargo est toujours entier.)

Ningbo

16/09, vendredi (une semaine de cargo, c'est passé super vite)

Shekou
Je me réveille et nous sommes au port de Shekou, Chine. Nous sommes repartis et avons dû atteindre le port dans la nuit. Je dors tellement bien que je n'ai absolument rien remarqué...
Nous redémarrons vers 11h. Il semblerait que Shekou soit proche de Hong Kong et je crois bien avoir loupé le passage devant la ville. Je regardais un film, je peux pas être au courant de tout.

Shekou (j'ai appris que c'est le nouveau port de Hong Kong)
17/09, 6h30, réveil aux abords de Kaohsiung, Taïwan. Je regarde l'entrée au port, c'est pas transcendant comme arrivée. Les grues sont bleu ciel, c'est pas mal... Dernier repas avec Geoff, il quitte le navire aujourd'hui. Je ne sais pas quand arriveront les deux nouveaux. Je crois que je peux descendre mais j'ai pas trop envie en fait. Pas envie de me perdre ou de dépenser 100$ pour visiter un quartier pourri.
Déjeuner, probablement seule. Personne dans la salle, trois assiettes à ma table. Et Geoff arrive ! En fait, il ne peut pas sortir du cargo avant 15h. Pourquoi, comment ? On ne sait pas, c'est comme ça.
Un type sort de la cuisine suivi du Capitaine en uniforme. Le type ressemble à un gentil papi, il se présente, me sert la pince, à Geoff aussi. Il est super sympa, très amical. Mais je comprends rien de ce qu'il me raconte. Il parle anglais avec un accent. Est-ce le nouveau passager ? Je le pensais, mais il s'assoit à la table du Capitaine, à la place du 2nd Engineer. Pourtant, il reste encore 20 jours à faire au 2nd Engineer, il ne descend à Kaohsiung que pour quelques heures. Je sais que le Capitaine par contre se barre. Le type parle allemand, ce n'est sûrement pas le passager qui est censé être australien. Peut-être est-ce le pilot ? Pourquoi le pilot serait-il allemand ?
Une fois que la table du Capitaine est vide, je demande à Geoff qui c'était le gars "The new Captain !" Ah ben merde. Au moins, j'aurai moins peur de lui parler à celui-là.

Kaohsiung
Il y a un nouveau aussi à la table de derrière : probablement 3rd Engineer ou 2nd Officer.
Nous quittons Kaoshiung vers 17h15.
17h30, le mess est vide. À chaque place, 2 bières et 1 coca, cool. Peut-être un cadeau du nouveau Capitaine. La salle se remplit petit à petit. Je demande à Arndt le pourquoi des boissons : c'est l'anniversaire du 2nd Officer, c'est lui qui offre, mais il vient de terminer son boulot et est descendu à Kaohsiung. Il est remplacé par un autre jeune allemand.
Arrivent les passagers : Scott et son père de 80 ans dont j'ai pas saisi le prénom. Ils sont très sympas, et Ô miracle, je comprends tout ce que me raconte Scott. Par contre, avec son père, je capte pas grand chose. Croyez-le ou non, mais nous discutons rugby. J'ai zappé mais la coupe du monde a déjà commencé. Scott connaît Toulouse, la moitié des joueurs de l'Equipe de France jouent à Toulouse me dit-il. Ben oui, c'est ça.
Scott me demande où on peut se balader sur le bateau, je lui explique et lui dit que pour la salle des machines, il faut demander au Chief Engineer. Qui nous entend et nous propose aussitôt une visite demain à 13h (je mets du temps à capter, thirteen hundred ne faisant pas partie de mon vocabulaire "lire l'heure")
Trop cloolsse ! Je crois bien que j'ai jamais eu un dîner aussi sympa sur ce bateau. Le Capitaine arrive, très amical, Scott lui pose des questions, il répond sans problème. Je donne mes bières à la table de derrière, ils sont ben contents ! En partant, je ne sais pourquoi, Papa Scott me parle de la trilogie de Stieg Larsson. Je crois qu'il a bien aimé ses bouquins.
Je me sens vraiment bien, je ne sais pas pourquoi. Ah si, je sais ! Parce que la prochaine escale, je descends, c'est Melbourne ! L'Australie, enfin, objectif atteint. Bon, c'est dans 11 jours quand même...



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